dimanche 24 novembre 2013

CORRUPTION/BLANCHIMENT D’ARGENT ET LE ROLE DES ACTEURS INTERNATIONAUX





Afin d’approfondir ce phénomène, il est indispensable de consulter en premier lieu l’ouvrage
Intitulé « Droit International Pénal » (consulter ici) publié par les Editions Pedone, sous la Direction de trois imminents Professeurs, notamment Hervé ASCENSIO, Professeur à l’Université Paris I, Alain PELLET, Professeur à l’Université Paris X-Nanterre. Membre et ancien Président de la Commission du droit international des Nations Unies et Emmanuel DECAUX, Professeur à l’Université Paris II (Panthéon-Assas). Membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme qui m’ont fait honneur de me faire participer à la rédaction d’un article sur le droit de la drogue en tant qu’ancien Directeur juridique d’Interpol.

La première édition dudit ouvrage, en 2000, présentait pour la première fois de façon systématique la matière en langue française avec la participation de plusieurs internationalistes que j’ai eu l’occasion d’apprécier tels que Chérif BASSIOUNI, Professeur à l’Université DePaul, Chicago, Président de l’Institut international des droits de l’homme, avec qui j’ai également eu l’occasion de travailler pendant la négociation du Statut de Rome, à l’origine de la création de la Cour Pénale Internationale et  Georges ABI-SAAB, Professeur à l’Institut universitaire des hautes études internationales de Genève qui nous a honoré à l’UNESCO par ses conclusions lors du colloque que le Juge Yusuf à la Cour Internationale de Justice a organisé en 2006 pour célébrer 60 ans de la contribution des conventions de l’UNESCO au droit international.

L’édition de 2012 de cet ouvrage, mise à jour et révisée, avec une nouvelle structure et de nouveaux chapitres, intègre pleinement les évolutions survenues depuis lors. J’ai également effectué la mise à jour de mon article, tout en coopérant avec Mme Leila LANKARANI qui a explicité les liens entre les trois conventions internationales sur la lutte contre la corruption, surtout celle de l’ONU en 2003, avec les autres traités relevant du droit international pénal.
(Consulter ici).

Fruit de la collaboration des membres du Centre de droit international (CEDIN) de l’Université Paris X-Nanterre et des meilleurs spécialistes français et étrangers, il permet d’appréhender l’ensemble de la matière. Rédigé dans un souci de clarté et de pédagogie, fortement structuré, enrichi de plusieurs index (thématique, textes, jurisprudence), d’une bibliographie générale et de bibliographies spécialisées, c’est un instrument de travail indispensable pour les étudiants et les praticiens.

Si mon article a pu établir les liens entre le trafic de la Drogue et le Blanchiment d’argent à la suite de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (C.T.S.) adoptée à Vienne le 19 décembre 1988 (E/CONF.88/15), il est vrai que ce  premier texte qui vise à la fois les deux grandes catégories de drogues indiquées dans son titre et le blanchiment d’argent a un champ réduit par rapport à la Convention du Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime qu’elle qu’il soit. Certes, la Convention de l’ONU sur la lutte contre la corruption a-t-elle élargie ce champ d’application aux infractions de corruption. Mais, sa ratification n’est pas aussi universelle que celle de la Convention de l’ONU de 1988.

Mise à part cette réalité, l’importance de la Convention de l’ONU pour les organisations internationales est à l’origine de ce commentaire dans ce blog. En effet, cette convention, a suivi celle du Conseil de l’Europe et a incité les Etats partie d’incriminer la corruption des fonctionnaires internationaux.

Il s’agit d’une innovation capitale dans la rédaction des conventions internationales à caractère répressif dans la mesure où le droit international lui-même consacre l’importance de la probité des fonctionnaires internationaux, sanctionné de manière explicite sur le plan pénal, alors que les codes pénaux ne prévoyaient, auparavant, que des infractions visant les fonctionnaires nationaux.
Il s’agit aussi, d’une innovation, car la Convention de l’ONU consacre la juridicité de certains codes de conduite à valeur éthique dans la politique de prévention comme on peut le constater de l’article 5 de la convention  qui ouvre la porte devant la société civile elle-même de sorte qu’elle puisse participer à cette politique pour « sauvegarder les principes d’état de droit, de bonne gestion des affaires publiques et des biens publics, d’intégrité, de transparence et de responsabilité ».

Cependant, la question des immunités des fonctionnaires internationaux a surgi de nouveau lors de la mise en œuvre de la Convention.

Lors des travaux préparatoires de la convention,  les États parties ont noté l’importance des immunités dans ce contexte et encouragé les organisations internationales publiques à renoncer à ces immunités dans les cas appropriés.Ils ont aussi préféré que leurs obligations en vertu de la convention reste facultative en ce qui concerne l’incrimination de la corruption des fonctionnaires internationaux. Mais le risque de conflits entre les conventions régissant les immunités de l’ONU et celles des agences spécialisées était sous jacent et pourrait d’éclater au cas où les Etats Parties à la convention de l’ONU contre la corruption voudraient dans leurs directives opérationnelles pour l’application de la convention rendre obligatoire la levée des immunités.

La difficulté dans ce domaine s’explique par la nature de la Convention qui relève des traités de droit international pénal et qui ne lie que les Etats à qui il incombe d’incriminer la corruption des fonctionnaires internationaux et d’effectuer le recouvrement dont le mécanisme n’est prévue que dans le cadre d’une coopération inter étatique ne mentionnant pas les organisations internationales.

En effet, cette convention n’est pas ouverte aux organisations internationales, à l’exception des organisations  régionales d’intégration économique, comme la Communauté européenne, signataire de la Convention, et représentée à la Conférence des Etats parties.

Par conséquent, toutes les questions relatives à la levée des immunités, à la divulgation des informations par l’Organisation à des Etats ou services externes, bref à toute mesure de coopération (y compris pour les saisies ou le recouvrement des actifs détournés à l’extérieur de l’Organisation) ou des poursuites judiciaires impliquent la participation active des juristes des organisations internationales, qui ont été d’ailleurs à l’origine de la proposition d’incriminer la corruption des fonctionnaires internationaux, sans accepter que la levée des immunités soit automatique.

Cependant, la résolution de la Conférence des États parties de la Convention de l’ONU vise surtout les questions « des privilèges et des immunités des organisations internationales, ainsi que de leur compétence et de leur rôle ». Comme M. Antonio Maria Costa, le Directeur Exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, l’a bien précisé « the work we have begun derives directly from the mandate received from the Conference of the UNCAC, in its resolution 1/7 entitled « Consideration of Bribery of Officials of Public International Organisations ».

L’extrait essentiel du texte de cette résolution se lit comme suit :

« La Conférence des États parties à la Convention des Nations Unies contre la
corruption,
Rappelant la résolution 58/4 de l’Assemblée générale du 31 octobre 2003, dans laquelle l’Assemblée l’a priée de tenir compte, lorsqu’elle abordera la question de l’incrimination de la corruption de fonctionnaires d’organisations internationales publiques, y compris l’Organisation des Nations Unies, et les questions connexes, des privilèges et des immunités des organisations internationales, ainsi que de leur compétence et de leur rôle, notamment en faisant des recommandations sur les mesures à prendre à cet égard,

Rappelant également l’article 16 de la Convention des Nations Unies contre la Corruption […]

  1. Demande à l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, dans la limite des ressources disponibles, d’inviter les organisations internationales publiques concernées à participer avec les États parties à un dialogue ouvert à tous pour aborder les questions de privilèges et d’immunités, de compétence et de rôle des organisations internationales et de lui faire rapport à sa deuxième session sur les efforts faits pour répondre aux préoccupations exprimées par l’Assemblée générale dans sa résolution 58/4 du 31 octobre 2003. […] ».


C’est dans ce contexte que le Secrétariat de l’ONUDC (UNODC en anglais) a organisé plusieurs réunions avec les organisations internationales et les Etats parties et la conséquence à ce jour fut de mettre la priorité sur les Etats pour qu’ils honorent leurs obligations d’incriminer cette corruption des fonctionnaires internationaux et d’utiliser leurs accords de siège avec les organisations internationales pour régler les problèmes pratiques de la collaboration avec elles, sans restreindre le pouvoir discrétionnaire des chefs exécutifs de ces organisations qui ont préféré agir par la « soft law » en créant plusieurs Bureaux ou Offices d’éthique dont les prérogatives ne sont pas encore homogènes ou efficaces.

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